Objectif 72- mars 2010

Cuisine andalouse
072Mosquée omeyade de Cordoue, aujourd'hui la Sant 'Iglesia catedral de Cordoba. Détail
du Mirhab (niche qui sert à indiquer la direction de la Mekke). La ville une fois reprise par les Chrétiens (début XIIIe s),
une partie de la mosquée fut profodément modifiée pour lui donner un air plus catholique, ce qui fit dire à Charles Quint "Vous avez détruit ce qui était unique au monde pour faire ce que tout le monde
fait". La mosquée de Condoue a été classée au patrimoine mondial de l'UNESCO en 1984.

Le Patrimoine mondial de l'Humanité contiendra peut-être un jour une rubrique « culinaire » si on suit les voeux du chef d'un certain Etat. Si les recettes de la biodynamie ne bénéficient pas encore d'un tel soutien, elles ne sont du moins plus interdites voire furieusement tendance. Elle intéresse de plus en plus de pays, mais les spécificités culturales et culturelles de la pensée de Rudolf Steiner ne sont pas des plus universelles. C'est pourquoi certains agronomes du Maghreb se penchent aujourd'hui sur leur héritage propre. Un traité andalou du XIIe siècle se base sur des principes très similaires à ceux de la biodynamie. Il constituait la somme des connaissances du monde méditerranéen1 en matière agricole au Moyen-Age2. Son auteur, Ibn Al-Awam3, s'est notamment penché sur les relations qu'entretiennent les plantes entre elles.

Il indique comment, grâce au chêne, lutter contre la « calamité des étoiles », une maladie qui fait rougir le feuillage : « Saghrît4 prescrit de perforer la tige et la partie la plus épaisse de la vigne, en faisant traverser le trou de part en part et d'y introduire un morceau de chêne taillé en forme de cheville »5. Cette méthode n'est pas sans évoquer un classique de la biodynamie contre l'esca6 : il s'agit de fendre à la hache (ou recourir à une perceuse) les ceps atteints et de placer dans la fente un caillou pour la maintenir ouverte. «En voyant le jour, l'esca meurt »7.

Agronome de l'Andalousie arabe ou philosophe allemand postérieur de quelques siècles, il semble bien que notre monde soit un village global.

1 Jean Boulaine, Histoire des pédologues et de la science des sols, Paris, INRA, 1989.
2 L'agronomie de cette période reposait sur le savoir romain mais aussi nabathéen (-800 à -100 avant notre ère ; leur influence s'étendait de l'ouest de l'Irak au nord de l'Arabie saoudite jusqu'à la Palestine et le sud de la Syrie) mais aussi l'agronomie andalouse oumeyade du sud de l'Espagne jusqu'au Maroc et la Tunisie. 
3 De son nom complet Yahia Ibn Ahmed Ibn Al-Awam Al Ichbili Al Andaloussi (mort en 1145), de Séville, dans sa conversion en alphabet latin. Son ouvrage s'intitule Le Livre de l'Agriculture, Al-Awamia ou Kitab al-filaha. Ce livre, perdu puis retrouvé au XVIIIe siècle, a d'abord été traduit et publié en espagnol (1802) ; il gagne ensuite la France (1865) et devient une référence en matière d'agriculture pour les Européens. 
4 Saghrît est un agronome nabathéen renommé. 
5 Cité par Pierre Dubuis, « La vigne, ses amis et ses ennemis végétaux. Témoignages antiques, médiévaux et modernes », p. 171, in : Le monde végétal, textes réunis par Agostino Paravicini Bagliani; Florence, Edizioni del Galluzzo, 2009.
6 Pour l'anecdote, esca est un mot d'origine latine qui signifie « nourriture, aliment, pâture ». Il vient du verbe edere (manger) et fait peut-être ainsi référence aux champignons qui mangent le bois.
7 François Bouchet, L'agriculture biodynamique, Paris, Deux Versants, 2003, pp. 110 sqq.
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