Objectif 81 - août 2014

Aujourd'hui...
jardinegyptien obj81

"Un bel exemple d'une polyculture où le domaine agricole se suffirait à lui-même, comme le préconise Rudolf Steiner. Ici, une peinture funéraire représentant un jardin avec une vigne en treille au centre. La treille était la forme de culture répandue alors à cause des inondations provoquées par le Nil."

... ou plutôt hier, quand en 1924, Rulolf Steinder rythmait de cet adverbe temporel ses conférences aux agriculteurs1. Son « aujourd'hui », c'était celui d'une agriculture industrielle qu'il condamnait, notamment l'utilisation de plus en plus généralisée d'engrais chimique, accélérée par deux guerres mondiales. Mais le débat sur la stérilité des sols n'était pas neuf et bien des agronomes, même antérieurs à notre ère, s'interrogeaient aussi bien sur le rôle de l'humus que celui des structures économiques agricoles. Caton, au deuxième siècle avant JC2, voulait briser l'étau de la polyculture traditionnelle pour se tourner vers des cultures plus rentables. Trémélius Scrofa3, à la même époque, s'inquiétait lui de la stérilité croissante du sol, qu'il espérait combattre grâce au progrès technique. L'érudit Varron4 verra le salut économique dans l'élevage spécialisé, mais les guerres civiles et les graves conséquences sur les structures foncières qui le suivront changeront la donne. Un siècle plus tard, Columelle5 condamnera cete séparation de l'élevage et de l'agriculture, qui prive celle-ci de l'engrais nécessaire à la régénération des sols. IL recommandera aussi n einseignement agricole et le recours à d'importants investissements permettant de faire fructifier sa fortune bien mieux que de vulgaires prêts à intérêts.
Ne doutons point que Rudolf Steiner ait apprécié ces cycles de la pensée agronomique. Quant à ses illusres prédéceseurs romains, tout emprunts du pragmatisme caractéristique de la littérature technique latine, ils auraient été très étonnés de la dimension ésotérique des propos de leur collègue autrichien, bien plus proche des poètes comme Virgile ou Hésiode. Par contre, tous recherchaient une réponse aux problèmes posés par les mutations de leur époque.

1 « à l'époque présente », « à l'époque présente »... Si les références négatives à ce présent sont omni... présentes, Steiner souligne aussi la possibilité que le présent puisse être un tournant.
2 Caton l'Ancien (234-149) : politicien, écrivain et militaire romain, on retiendra de lui ses « généreux » principes de gestion des esclaves et qu'il faut détruire Carthage.
3 Son traité d'agronomie a malheureusement été irrémédiablement perdu. On connaît son travail essentiellement grâce aux citations de son successeur Columelle.
4 Varron (116-27) : auteur de près de 600 volumesmais comme pour Caton, le seul qui nous est parvenu entier est son traité d'agronomie. On doit à ce pré-encyclopédiste la date intangible de la fondation de Rome (753 avant notre ère).
5 Columelle est issu d'une lignée d'agriculteurs renommés. Il fut un grand propriétaire terrien qui administra lui-même ses terres et ne cessa de voyager pour perfectionner son savoir. Son traité d'agronomie est le seul à avoir été rédigé avec style et élégance. Il semble néanmoins avoir été perdu.
decofeuilles_gauche_2.png
decofeuilles_droite_3.png